Journée internationale de la femme: Femmes saines, nations en santé
Journée internationale de la femme: Femmes saines, nations en santé
Par: Fatimata Kané, directrice du programme FCI de MSH au Mali
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Mettre un enfant au monde est tout un travail différent. Tout le monde peut aider quelqu’un qui est malade, mais tout le monde ne peut pas faire le travail d’une sage-femme–guider une femme et son bébé en toute sécurité pendant la grossesse et l’accouchement. Je sais ce que signifie garder les femmes et les bébés vivants et en bonne santé parce que je suis une sage-femme.
Comme une jeune fille, le chemin de mon école passait à côté du dispensaire de mon village ou je voyais les malades attendre les soins. J’avais vraiment pitié d’eux et je me disais toujours qu’il faille que je porte la blouse blanche tenue portée par les agents de santé au Mali afin de venir au secours des malades. Au niveau de l’école de la santé, j’ai bien voulu faire les études de Sage-Femme qui est un métier noble. Une Sage-Femme éduque, conseille et aide les femmes avant, pendant et après les grossesses. La Sage- Femme surveille et aide les femmes en travail jusqu’à la naissance du bébé. C’est très réconfortant d’aider à donner vie à un bébé.
J’applique ma passion de sage- femme à mon travail avec le Programme FCI de MSH. Peu importe où je suis sur ce projet et où que je travaille sur le terrain, je prends le temps de visiter les services de maternité et parler avec les sages- femmes ou les matrones selon les cas. Je visite les centres de santé communautaires (CSCOM) dans nos zones d’intervention, et je partage mes compétences et connaissances pour renforcer leurs pratiques quotidiennes.
Présentement j’ai cessé de pratiquer le métier de sage-femme (au niveau de la maternité), mais c’est toujours un plaisir pour moi d’offrir des conseils aux femmes enceintes sur leur santé et celle de leurs enfants chaque fois que l’occasion se présente. Je demande aux femmes si elles vont à la clinique de santé pour examens prénatals ou si elles allaitent et vaccinent leurs bébés de façon régulière. Au niveau communautaire lors de mes missions j’encourage les femmes à fréquenter les services de santé afin d’assurer leur bien-être.
Une nation ne peut se développer sans les femmes, mais dans beaucoup de nos communautés au Mali, les femmes sont confrontées à des obstacles pour l’accès aux soins de santé. Nous devons nous pencher sur le genre (couches favorisées et couches défavorisées) pour comprendre les problématiques uniques aux femmes et aux filles dans la recherche de l’accès aux soins de santé. Au Mali, en milieu rural certaines femmes ne sont pas autonomes, et ne peuvent pas prendre de décision pour leur santé et même pour leur propre corps. Si elle est malade, elle ne peut pas aller directement au centre de santé ou obtenir les médicaments sans autorisation de leur mari ou celle de ces parents. Elle n’a pas d’argent et ne peut pas générer des revenus dans certains cas. Il est possible alors de faire recours à la médecine traditionnelle qui utilise les plantes pour soigner les maladies. La famille peut dire dans ce cas à cette femme malade : «Va cueillir les feuilles les faire bouillir et boire. Nous ne disposons pas l’argent pour t’amener au centre de santé.»
Dans la région de Mopti où nous travaillons, il y a des filles de 12 ou 13 ans qui sont sujettes au mariage précoce/ forcé alors que leur corps n’est pas mûr ni prêt pour avoir un enfant. Pour ces filles, la grossesse peut être catastrophique. Si une telle jeune fille ne va pas au centre de santé à temps en cas d’accouchement, elle pourrait développer la fistule (une ouverture entre le vagin, la vessie et le rectum) dont l’une des causes est l’immaturité du bassin.
Prendre soin des femmes et filles c’est prendre soin de notre nation. Femmes et filles doivent avoir le pouvoir de demander les soins de santé, de choisir quand et avec qui elles se marient, de décider quand elles veulent tomber enceinte, et de préserver la dignité de leur corps. Grâce au Programme FCI de MSH, nous travaillons à prévenir les violences sexuelles et basées sur le genre, y compris les mutilations génitales féminines et d’arrêter le mariage des enfants dans les communautés rurales de Mopti et d’autres régions du Mali. L’année dernière, avec le soutien financier d’ONU Femmes, nous avons ouvert le premier centre de soins holistiques pour les survivantes de violences basées sur le genre à Douentza. Pour la première fois, les survivantes de violences sexuelles et basées sur le genre ont un endroit sûr pour demander conseils, soins médicaux et services juridiques dans la cour du Centre de Santé de Référence de Douentza.
Grâce au financement de la coopération néerlandaise à travers l’ambassade néerlandaise, nous exécutons le programme Debbo Alafia en Consortium avec l’organisation non gouvernementale malienne Conseils et Appui pour l’Éducation à la Base (CAEB),réunissant des organisations, des femmes et des groupes de jeunes, le théâtre et la radio qui travaillent pour améliorer la santé et les droits sexuels et reproductifs des filles et femmes au Mali à travers les activités de changement social et comportemental et le plaidoyer.
Le programme de FCI a beaucoup travaillé avec les leaders religieux à Bamako et à Mopti. Le Réseau Islam et Population pour le Développement (RIPOD) est un partenaire de taille pour nous. Au cours des missions sur le terrain pour mieux aborder les thématiques difficilement acceptées par les communautés, nous partons avec un représentant du RIPOD qui fait un lien entre nos thématiques, le contenu du livre Sain « le Coran » et la santé de la mère et de l’enfant. Nous avons formé les groupes de chefs religieux en matière de santé sexuelle et reproductive (SSR). Après les formations et discussions, les chefs religieux ont convenu que le Coran appuie la santé des femmes, certains de ces leaders sont devenus champions pour la santé et les droits des femmes et filles et la santé maternelle y comprise la planification familiale.
Nous devons nous assurer qu’une place de choix soit réservée aux femmes et aux filles dans la société. Pour qu’une femme soit autonome dans la vie, elle a besoin d’être en bonne santé et capable de réaliser ses droits y comprise la santé. Nous devons être proactifs dans le travail avec nos communautés, pour lutter contre la discrimination et ne pas sous-estimer l’importance des barrières de genre et de la discrimination. Nous devons accorder de l’importance à la santé et la vie des femmes et des filles si nous voulons voir nos nations prospérer.
Fatimata Kané est directrice du programme FCI de MSH au Mali.