Au Mali, les Jeunes Utilisent le Théâtre et les Réunions sur Leur Lieu de Travail pour s’Informer sur la Santé Sexuelle et Reproductive

Selon le mécanisme de financement mondial pour les femmes, les enfants et les adolescents (Global Financing Facility ou GFF), depuis le début de la pandémie de COVID-19, l’accès aux interventions sanitaires vitales pour les femmes, les enfants et les adolescents dans 36 des pays les plus pauvres du monde – dont 26 en Afrique – a diminué de près de 25 %. Cela équivaut à 4 millions de femmes qui ne peuvent pas recevoir de soins lors de l’accouchement, à 17 millions d’enfants qui ne sont pas vaccinés et à plus de 5 millions de femmes et d’adolescents qui n’ont pas accès aux contraceptifs. 

C’est pourquoi le GFF et le Partenariat pour la santé de la mère, du nouveau-né et de l’enfant ont demandé à MSH d’administrer un mécanisme de petites subventions pour la réponse et la riposte à la Covid-19 afin de soutenir le plaidoyer coordonné de la société civile et des jeunes pour assurer la continuité des services de santé pour les femmes, les enfants et les adolescents. 

Au Mali, l’Association des Enfants Jeunes Travailleurs Mopti (AEJT) a reçu une petite subvention pour promouvoir la prévention de la COVID-19 et les services et connaissances en matière de santé reproductive parmi les jeunes travaillant dans les petits commerces, tels que la coiffure, la couture, la soudure et la réparation automobile dans la région de Mopti. 

Nous avons demandé au président de l’AEJT, Salla Djenepo, de réfléchir aux leçons tirées du travail de son organisation dans le cadre de cette petite subvention. 

1. Le projet implique 20 jeunes leaders âgés de 15 à 24 ans qui servent d’éducateurs dans leurs communautés. Ils organisent des séances de sensibilisation dans des centres de formation pour jeunes professionnels (salons de coiffure, fonderies, usines de teinture de textiles) et dans des lieux de rassemblement (événements sportifs, marchés en plein air) afin de diffuser des informations précises sur les services de santé reproductive dans le cadre de la COVID-19. Comment avez-vous identifié ces “éducateurs de première ligne” et en quoi consiste leur formation ? 

Nous avons travaillé avec les responsables de ces centres de formation pour identifier des jeunes motivés et intéressés, sachant lire et écrire le français, en veillant à impliquer aussi bien les adolescentes que les adolescents.  

Ces jeunes ont été formés pour mener des actions de sensibilisation auprès de leurs pairs. La formation s’est concentrée sur la COVID-19, le mariage précoce, la mutilation génitale féminine, le planning familial, le VIH/SIDA et les infections sexuellement transmissibles, tout en enseignant des compétences pratiques telles que l’utilisation de sketches de théâtre pour introduire ces sujets dans les discussions en classe. La formation a également permis à ces jeunes leaders d’acquérir des compétences en communication pour discuter de ces sujets, dont certains sont considérés comme tabous. 

Après avoir été formés, ces jeunes volontaires engagés ont organisé des discussions et des sketches avec des petits groupes de 7 à 15 personnes, et des conseillers étaient présents pour répondre aux préoccupations ou aux questions dans des espaces confidentiels. 

Si et quand les participants cherchaient un soutien pour lutter contre la violence basée sur le genre, nous étions en mesure de les orienter et de les accompagner vers des centres confidentiels à guichet unique, avec le soutien de gestionnaires de cas. Des services de planning familial et d’IST [infections sexuellement transmissibles] sont également disponibles pour une orientation vers des services spécialisés. 

2. Qu’est-ce qui a motivé l’utilisation du théâtre comme moyen de communication pour ces messages ? 

Communiquer sur la sexualité et les sujets tabous qui y sont liés en dehors de la communication interpersonnelle qui a habituellement lieu avec des groupes de jeunes n’est pas facile, surtout dans cette région. Nous devions également trouver un moyen d’impliquer les adultes et de communiquer sans heurter la sensibilité des gens. Le forum théâtral est une stratégie engageante qui attire les jeunes pour discuter des problèmes et générer des solutions aux problèmes qu’ils ont identifiés ensemble. Il s’agit d’un moyen efficace de mobiliser davantage de jeunes et d’adultes du secteur informel, car le format permet à tous les participants de s’exprimer. Le théâtre est bien intégré dans nos cérémonies locales et nos pratiques culturelles.  

3. Comment avez-vous mesuré la qualité de l’information transmise à votre public ?   

Chaque mois, nous avons suivi les témoignages des participants et le nombre de cartes de référence collectées auprès des prestataires de services. Nous avons utilisé ces cartes pour compter le nombre de personnes que nos éducateurs ont orientées vers des services. 

4. Quel impact le projet a-t-il eu sur le comportement en matière de santé reproductive ? 

Le projet a permis aux jeunes de changer leur comportement en accédant à la contraception, en pratiquant l’auto-prise en charge et en suivant les mesures préventives contre la COVID-19. 

Une participante a déclaré que le projet l’a aidée à mieux gérer son cycle menstruel et à se comporter pendant cette période. Elle a déclaré : “Avant, j’utilisais de vieux chiffons qui, selon l’animateur, pouvaient être porteurs de germes, mais maintenant, grâce à Dieu, j’utilise des serviettes hygiéniques que je trouve confortables.”  

5. Quelles leçons avez-vous tirées et comment envisagez-vous de les utiliser pour informer les interventions futures ? 

L’utilisation du théâtre a été un moyen efficace de mobiliser et de sensibiliser les jeunes et de partager des informations de santé publique sur des sujets tabous dans des groupes adaptés à leur âge. Le modèle reste une stratégie efficace pour atteindre davantage de jeunes dans leur propre cadre institutionnel, en particulier pendant les restrictions liées à la pandémie lorsque d’autres fermetures sont en place, et pour partager les références aux services essentiels de planification familiale et de soutien à la violence basée sur le genre dans la communauté. La collaboration renforcée avec les centres d’orientation permet aux jeunes d’accéder aux services spécialisés dont ils ont réellement besoin, notamment pendant la COVID.