Un Avenir Meilleur pour les Survivant(e)s de Violences Basées sur le Genre au Bénin
Un Avenir Meilleur pour les Survivant(e)s de Violences Basées sur le Genre au Bénin
Lorsque l’Activité de Services de Santé Intégrés (IHSA) de l’USAID, mise en œuvre par MSH au Bénin, prendra fin l’année prochaine, elle laissera derrière elle un programme florissant et durable visant à aider de façon holistique les survivant(e)s de violences basées sur le genre (VBG) à surmonter leur traumatisme et à s’en remettre complètement.
Le concept est simple : rassembler en un même lieu tous les services dont ont besoin les personnes ayant éprouvées des VBG, généralement des femmes, et fournir ces services en adoptant une approche intégrée de la prise en charge, axée sur la personne.
Dans un premier temps, le gouvernement du Bénin a mis en place trois structures dédiées aux VBG (dans les départements du Littoral, du Borgou et du Zou) en vue de dispenser gratuitement des services médicaux, psychologiques et juridiques aux survivant(e)s de VBG. Consciente du fait que nombre de victimes de VBG résidaient trop loin de ces centres pour en bénéficier, IHSA a collaboré avec la Direction de la Santé Maternelle et Infantile du Bénin pour développer un modèle permettant aux survivant(e)s de bénéficier des mêmes avantages et de la même qualité de soins à proximité de leur lieu de résidence.
La durabilité de ce modèle de services communautaires intégrés tient au fait qu’il tire parti des infrastructures et du personnel existants, créant ainsi une synergie entre les intervenants qui travaillaient auparavant en vase clos. Durant la mise en œuvre de ce nouveau système, les cliniciens et les travailleurs sociaux déjà présents au sein de la communauté ont été formés par IHSA en vue d’assurer la confidentialité des traitements médicaux et le soutien psychosocial des survivant(e)s de VBG. De leur côté, les forces de police locales ont été dûment formées afin de pouvoir leur fournir une assistance juridique appropriée.
Fonctionnement du modèle de services intégrés
Lorsqu’une personnes qui a éprouvé des VBG se présente dans un établissement de santé, un centre de promotion sociale ou un poste de police pour demander de l’aide, le personnel médical, les travailleurs sociaux et les agents des services de police se mobilisent pour lui prodiguer toute l’assistance nécessaire, si possible au même endroit et au même moment. S’il s’agit d’une agression physique ou sexuelle, les soins se déroulent généralement au sein d’un établissement de santé afin que le survivant(e) de VBG soit examiné(e) et pris(e) en charge le plus rapidement possible. Un plan est alors établi par l’équipe pour répondre aux besoins immédiats du survivant(e). Celui-ci consiste généralement à diligenter une enquête judiciaire et à analyser et évaluer tous les facteurs de risque auxquels le survivant(e) pourrait être exposé(e) en se retrouvant dans sa situation actuelle.
Atténuant considérablement le stress et les désagréments de la procédure, cette stratégie intégrée permet aux survivant(e)s de VBG de ne pas se sentir « doublement victimiser » en devant raconter leur histoire plusieurs fois à différents prestataires de services.
Depuis le lancement du projet pilote dans le département de l’Ouémé en 2019, des dispositifs similaires ont été mis en place dans ceux du Plateau, de l’Alibori et de l’Atacora. Depuis le début de l’année 2022, IHSA a déjà dispensé une formation aux procédures standards de prise en charge des survivant(e)s de VBG à 687 professionnels de santé, 302 fonctionnaires de police et 140 travailleurs sociaux de ces quatre départements. Des réunions d’évaluation semestrielles sont par ailleurs organisées par IHSA dans chaque commune afin que les différents prestataires de soins puissent discuter des problèmes auxquels ils ont dû faire face au cours des six mois précédents. Menés en collaboration avec les Directions Départementales de la Santé et des Affaires Sociales et les services de police, ces bilans ont pour but d’évaluer et d’identifier les améliorations pouvant être apportées à la stratégie du programme.
Et cela fonctionne. En 2021, des soins médicaux et psychosociaux ont été dispensés à 3 900 survivant(e)s et 399 ont obtenu un soutien juridique grâce au modèle communautaire.
De l’aide pour aller de l’avant
L’aide apportée aux survivant(e)s de VBG ne se limite pas à répondre à ces besoins immédiats. Au-delà des conseils à long terme permettant aux survivant(e)s de surmonter leurs problèmes psychologiques et de tout autre ordre, et, le cas échéant, des services de médiation visant à aider les partenaires à ne pas récidiver, il est nécessaire d’aider les survivant(e)s de VBG à acquérir une certaine indépendance financière pour leur permettre de retrouver leur place en tant que membres de la société à part entière.
Une enveloppe budgétaire est attribuée chaque année aux groupes vulnérables par le gouvernement béninois. Les représentants des services sociaux du pays, ou CPS, aident les survivant(e)s de VBG à obtenir ces aides. Ces fonds ne sont toutefois pas exclusivement réservés aux VBG : ils servent également à aider les personnes à surmonter les difficultés financières liées à la maltraitance des enfants, à la pauvreté, aux naissances multiples, à la maladie, à la condition d’orphelin et bien d’autres problèmes encore. Ils sont donc distribués de manière trop dispersée pour vraiment soulager les survivant(e)s de VBG. De fait, en 2018 dans le département de l’Ouémé, parmi les bénéficiaires de ces aides, seuls 6,25 % étaient des survivant(e)s de VBG.
Pour cette raison, les travailleurs sociaux aident certaines victimes de VBG afin de développer des plans pour créer leur propre activité (transformation de produits alimentaires, coiffure, couture, photographie, etc.).
IHSA procure aux personnes concernées par la composante entrepreneuriale du programme ce dont elles ont besoin pour démarrer leur activité. À titre d’exemple, toutes les fournitures nécessaires (un sac de maïs, une brique de lait concentré et six kilos de cacahuètes) ont été fournies à une survivante de VBG pour qu’elle puisse commencer à fabriquer et à vendre du porridge de maïs. Elle a également bénéficié de conseils sur la gestion de son activité et de ses finances personnelles, ce qui lui a permis d’assurer la rentabilité de son entreprise et de jouir d’une certaine indépendance économique.
Rien que dans le département du Plateau, parmi les 60 demandeurs d’aide à la réinsertion professionnelle du dernier groupe, 53 ont intégré le programme, dont 50 sont parvenus à lancer leur propre affaire. Dans l’Atacora, sur 40 survivant(e)s de VBG participant au programme, 29 (73 %) sont devenu(e)s financièrement autonomes, et dans l’Ouémé, 44 survivant(e)s sur les 64 de la deuxième cohorte (69 %) ont atteint ce même objectif.
Et ensuite ?
IHSA ne s’est pas contentée de fournir une aide matérielle au développement d’activités génératrices de revenus. Elle s’est également attachée à former les bénéficiaires aux techniques comptables de base et à les aider à repérer les éventuels obstacles à la rentabilité de leur projet. L’assistance proposée dans le cadre de ce programme est assurée conjointement avec les travailleurs sociaux du CPS qui poursuivront la tâche au-delà de la clôture du projet afin de permettre aux survivant(e)s de VBG de devenir financièrement autonomes. IHSA finance actuellement la formation et la fourniture de matériel de base, mais c’est la Direction des Affaires Sociales et de la Microfinance qui prendra le relais lorsque l’Activité arrivera à son terme.
Le principal enjeu du programme sera de trouver comment accroître le nombre de bénéficiaires du système national de secours parmi les survivant(e)s de VBG. IHSA espère que les progrès réalisés jusqu’à présent inciteront le gouvernement à accorder une attention particulière aux survivant(e)s de VBG lors de l’attribution de fonds d’aide publics.
Le succès du modèle communautaire n’est néanmoins pas remis en question. Déjà appliqué dans les 29 communes de l’Ouémé, du Plateau, de l’Alibori et de l’Atacora, le modèle de services intégrés destinés aux survivant(e)s de VBG devrait être élargi à d’autres départements. En conséquence, même si les prestations de l’IHSA au Bénin prendront certainement fin en juin 2023, la Direction des Affaires Sociales et de la Microfinance conservera une mine de connaissances qui lui permettront d’aider les citoyens les plus vulnérables pendant les années à venir.